Le football est un sport pour certains, une religion pour d’autres. Mais peut-il être une thérapie et soigner les esprits ? C’est à cette question qu’Ianis Periac, journaliste reporter pour différents médias dont Onze Mondial, a voulu répondre en assistant à des derbys européens plus ou moins brûlants. De Barcelone à Tirana, en passant par Dortmund et Istanbul pour ne citer que ces villes, Ianis se lance dans une quête initiatique où le ballon est roi et nous fait voyager.
Mi-février 2022. Réception d’un email envoyé d’un certain Ianis Periac qui complimente le blog et souhaite s’entretenir avec moi pour son livre Foot Thérapie. Un mois auparavant, on m’avait déjà sollicité via Instagram pour poser une ou deux questions à Alain Bernard dans l’émission de Cartman sur Fun radio à l’occasion de la sortie de son livre mais je n’avais pas vu le message (ou du moins trop tard...). Cette fois, je n’hésite pas. Ni une ni deux, je lui réponds et l’entretien téléphonique a lieu quatre jours plus tard. Moment court mais agréable, Ianis décide de m’envoyer son livre pour que je lise. Avec plaisir ! Ironie du sort, le journaliste m’envoie un PDF. Un livre à lire sur écran, ce n’est pas du tout dans mes habitudes. C’est surtout un comble, moi qui ai créé le blog Lectures sportives pour inciter un max de personnes à lire des livres papiers et à passer moins de temps devant les écrans. Mais bon, pas de souci, je me plonge tout de même dans le livre numérique.
Le football comme médicament
Dès les premières phrases, je comprends pourquoi Ianis m’a contacté. Son livre est rédigé comme s’il s'exprimait à l'oral au lecteur. Une chose que j’essaie également de faire sur le blog. Bien sûr, la syntaxe grammaticale et l’utilisation de la négation respecte la langue de Molière contrairement à nos paroles du quotidien qui ont tendance à la détériorer (« chai pas », « chuis pas sûr », « p’têt » ...).
Bref, les premières pages sont un peu la raison pour laquelle ce livre existe : Ianis veut savoir si le football est un remède pour les personnes ayant le moral au plus bas. Parce que oui, en 2015, Ianis n’est pas bien. Celui qui est fan du PSG et de George Weah se lasse de son métier de journaliste sportif : rechercher le buzz et le clic de l’internaute, ça va deux minutes. Impossible de s’en aller et de changer de voie car la vie l’oblige à manger et payer son loyer et ses crédits. Son patron le fait donc à sa place. Un beau jour, Ianis est licencié mais surtout remplacé par un stagiaire « pour faire rimer news avec économies ». Coup dur.
Alors pour savoir si le monde du ballon rond le séduit toujours, il décide de prendre son sac à dos, de démarrer sa Clio et d’aller assister à quelques derbys du continent européen.
L’amour, la passion et la folie du foot
Agréable à lire et magnifiquement illustré par Samy Glenisson, ce livre est un peu un carnet de voyage. Parfaitement détaillé, Ianis arrive à faire voyager le lecteur à ses côtés. Que ce soit à Bruges, à Belgrade, à Lisbonne ou même à Séville, l’évasion est bien présente. Avant, pendant et après le match, Ianis est là pour prendre la température de chaque derby. Une température souvent brûlante, rarement glaciale. Et comme à son habitude, le journaliste d'Onze Mondial active le pilotage automatique. Pour profiter à fond de cette journée spéciale pour un grand nombre de supporters, Ianis sillonne les bars et les rues pour parler de foot et traine aux abords des stades pour humer l’odeur de la passion, jamais loin d’une buvette.
Et une fois qu’il a mis les deux pieds en tribune, impossible de s’en aller. Comme on dit souvent, lors des derbys, le spectacle est plus parfois en tribunes que sur la pelouse. C’est le cas notamment en Albanie : le derby Tirana - Partizani a lieu dans « un stade de campagne. 10 000 places à tout casser. 15 000 spectateurs. » Et pourtant, c’est un des plus violents. À tel point que les supporters en viennent aux mains. Et que dire d’Istanbul ! Lieu où l’ambiance est incroyable. Lieu où les 55 000 personnes chantent et huent. Lieu où les dernières minutes d’un Galatasaray – Fenerbahce « appartiennent à un autre monde. Un monde où même les sourds doivent bien entendre quelques sons. » Sans oublier Dortmund où les 80 000 personnes chantent alors que le bus des joueurs n’est même pas arrivé au stade.
Ce voyage à travers le foot, à la rencontre des fans lors des derbys les plus mythiques, révèle tout de même de déclarations insolites de la part des locaux. En voici trois :
« Le Westfalen, on y va pour la première fois à 4 ans sur les genoux d’un oncle ou d’un père. À partir de là, c’est pour la vie. Toute la semaine, on attend le week-end pour pouvoir retourner au stade. C’est la seule ville au monde où les enfants n’aiment pas les grandes vacances parce qu’il n’y a pas de match ! » - Tina, travailleuse sociale au Fan Projekt de Dortmund/
« À Istanbul, aucun journaliste n’est impartial. C’est impossible. Tu es soit pour Galat’, soit pour Fener’. Les uns t’adorent, les autres t’envoient des menaces de mort. C’est comme ça ici. » - Gokmen, journaliste sportif en Turquie.
« Tant que vous ne direz pas que le Sporting va gagner, je n’ouvrirai pas ma caisse ! Je veux vous l’entendre dire : Sporting ! Sporting ! Sporting ! » - Un caissier d’un supermarché à Lisbonne, le jour du derby Benfica-Sporting.
Mon avis : Pour avoir fait des études en journalisme sportif, j’ai tout de suite ressenti la pression qu’avait vécu Ianis avec son ancien chef. Pas une chose facile à gérer, elle peut nous faire dégoûter de nos tâches quotidiennes. D’où la fatigue du sport. Mais évidemment, lorsqu’on se retrouve dans un stade, la lassitude se transforme en énergie folle et une excitation apparaît en nous, comme un gamin le jour de Noël.
Hormis cela, le livre est bien rédigé et arrive à nous faire voyager. Le fait que ce soit écrit comme si l’auteur s’exprimait à l’oral est un style qui ne me déplaît pas, au contraire, c’est quelque chose que j’adhère complètement et qui sort de l’ordinaire. Les phrases sont plutôt courtes ce qui est prenant et crée un rythme rapide de la lecture mais surtout une intensité à chaque ligne. Les derbys sont détaillés pour que lecteur puisse se plonger facilement dans l’ambiance. Et c’est réussi ! Les illustrations sont originales mais en accord avec le texte (j’ai envie de dire encore heureux !)
Dommage qu’Ianis n’ait pas évoqué un derby argentin dans les quelques pages de son voyage à Buenos Aires, quand on sait l’amour que les Argentins ont pour leur club (River, Boca) et pour le ballon rond.
Au final, je partage sa conclusion. Ce n’est pas le football que j’aime, ce n’est pas les buts, les une-deux, les gestes techniques et tout ce qui s’ensuit. Non pas ça. Ce sont plus les sensations que cela procure, la joie et la colère que le foot a sur moi. Vivre ce genre d’émotions est indescriptible, satisfaisant et jouissif.
À propos du même sujet :
Comments